Définition
Appliquée dans la grande majorité des pratiques médicales, éducationnelles et sociales, la non-stigmatisation constitue un principe incontournable de nos sociétés.
Ce concept renvoie à l’acceptation d’autrui, tout particulièrement vis-à-vis des différences qui peuvent être remarquées ou ressenties.
Ainsi, la non-stigmatisation consiste en une posture qui permet de guider nos pensées et nos actions, en respectant chaque personne dans son individualité.
- Qu’est-ce que la stigmatisation ?
- Comportements stigmatisés
- Logiques de classement
- Exemples d’application
- Enjeux
La stigmatisation est la manifestation négative d’un système de normes dans une société donnée sur une personne ou un groupe. Sociologiquement, le « stigmate » (étymologiquement une trace sur la peau) n’est pas un attribut en soi car il prend forme dans le regard d’autrui. C’est donc à travers le relationnel que la stigmatisation doit être prise en compte. En ce sens, c’est un problème qui concerne la société dans son ensemble.
Certains comportements peuvent être stigmatisés, comme ceux des personnes avec des troubles mentaux et/ou qui ont une conduite addictive. Ces personnes portent ainsi un « stigma » qui les définit comme des individu·e·s déviant·e·s par rapport aux normes et aux lois d’une société. L’une des conséquences est qu’elles se retrouvent à l’écart d’une normalité prédéfinie, généralement soutenue par une dimension moraliste.
Ce phénomène se traduit par le renforcement de la méfiance, de l’exclusion, de l’indifférence et de l’isolement à leur égard. Elle concerne tant l’opinion de leur entourage familial et social que celui de leur médecin, mais aussi (et surtout) la personne elle-même, ce qui inhibe la « capacité d’agir » et vient renforcer un sentiment d’échec, d’infériorité et d’inutilité.
Toutes logiques de classement (diagnostic, ciblage) comportent des risques de stigmatisation. En effet, définir principalement un·e individu·e uniquement à partir d’une de ses caractéristiques est problématique.
C’est pourquoi la qualification d’une conduite comprend toujours une part délicate pour la/le professionnel·le. Elle peut en effet charger la personne concernée d’un obstacle supplémentaire.
La notion de repérage met l’accent sur ce point, pour tenter de dépasser la logique discriminatoire propre à la désignation d’un « public-cible ». Elle doit néanmoins prendre acte que toute personne membre d’un groupe social ne peut jamais complètement s’émanciper des dynamiques discriminatoires.
- Réfléchir en amont sur la signification pour la personne concernée de l’action des professionnel·le·s.
- Construire un sens de la démarche avec les personnes concernées par le biais de leur participation à plusieurs niveaux.
- Offrir un espace favorable aux personnes concernées par une démarche sociale et non individuelle.
- Favoriser la capacité d’agir des personnes concernées et déconstruire des idées négatives pour réduire le sentiment de stigmatisation.
- Élaborer un contexte favorable d’échange afin que les personnes concernées puissent s’exprimer facilement
- Lutter contre les risques de stigmatisation implique une posture de non-jugement et une constante réflexion sur ses propres pratiques. Savoir décentrer ses référentiels, ou du moins, avoir de la prudence quant aux conclusions hâtives. Cet effort doit être constatant et permanent, car il ne peut être complètement dépassé par l’individu seul.
- La stigmatisation est une dynamique sociale, et c’est donc à ce niveau qu’elle doit être adressée. Les questions de genre, d’identité ou de racisme doivent toutes être traitées aussi au niveau global, afin de favoriser des conditions cadres favorables à tous.
- La stigmatisation empêche l’implantation de stratégies de prévention par ses effets négatifs sur l’accompagnement, comme l’auto-dépréciation de la personne concernée.
- Les personnes stigmatisées développent toujours des stratégies pour répondre à des normes préétablies, ce qui peut complexifier l’action des professionnel·le·s.
Définition
Selon ses racines anglo-saxonnes, la capacité d’agir (ou empowerment) concerne une dynamique par laquelle des populations « marginalisées », se trouvant dans des situations problématiques, vont accéder à la maîtrise de leur propre destinée.
C’est donc un processus par lequel les populations exerceront un plus grand contrôle sur leur environnement social, leur santé ou encore leur sécurité.
- Combien de dimensions ?
- Exemples d’application
- Enjeux
La capacité d’agir s’articule autour de trois dimensions :
- Individuelle : une personne peut développer sa capacité d’agir.
- Collective (ou interpersonnelle) : une communauté ou une organisation s’approprie un pouvoir de façon à ce que ses membres développent leur capacité d’agir.
- Social et politique : ce qui est en lien avec une transformation sociale.
- La capacité d’agir ne concerne pas uniquement le soutien spécialisé mais doit renvoyer à sa dimension organisationnelle.
- L’idée est de viser le développement des compétences de chaque acteur et actrice des moyens de la pyramide afin qu’ils et elles puissent être outillé·e·s pour agir à leur niveau.
- La capacité d’agir est intimement lié à celui de salutogenèse, c’est-à-dire le renforcement des ressources individuelles et collectives.
- Il est donc important de ne pas s’en tenir uniquement à la dimension individuelle de la capacité d’agir mais de prendre en compte (réhabiliter) sa dimension collective et/ou organisationnelle.
- A titre d’exemple, on comprend que l’augmentation de la littératie en santé ou des compétences en santé d’une personne va dépendre de l’existence d’information accessibles (par ex. plurilingue), de tests d’auto-évaluation, de matériel de réduction des risques, etc. c’est-à-dire autant de ressources dont la production et la mise à disposition relève de la responsabilité de la société et non pas de la seule responsabilité individuelle.
Définition
Dans le champ de la promotion de la santé, la mobilisation des communautés et leur participation constituent deux principes majeurs.
Ainsi, dans sa volonté de donner les moyens aux populations d’assurer davantage de contrôle sur leur santé, la promotion de la santé considère l’approche participative mobilisant les citoyens aux côtés des professionnel·le·s et des acteurs et actrices politiques comme une des stratégies centrales.
Cette approche doit être conjuguée avec une action sur les déterminants sociaux ou le développement du pouvoir d’agir.
- Combien de niveaux ?
- Exemple d’application
- Enjeux
Pour la participation des personnes concernées, il est nécessaire de distinguer au moins quatre niveaux d’action:
- À la définition et à l’adaptation des services qui leur sont destinés : logique de santé communautaire qui améliore l’adéquation des services proposés aux usagères et usagers à leurs besoins concrets.
- Au choix de leur parcours de soins et à leurs objectifs : la personne est « responsabilisée » par rapport à ses soins, elle n’est plus un « objet » mais devient actrice et acteur de son projet thérapeutique.
- Au processus d’élaboration des politiques publiques qui les concerne : p. ex. « Rien sur nous sans nous ».
- Aux actions de soins et d’accompagnement menées par les usagères et les usagers comme par exemple, les groupes d’auto-support.
- À côté de l’offre institutionnelle, il est important de prendre en compte dans notre modèle les organisations de personnes concernées et de manière plus large, le rôle joué par le tissu associatif pour la mise à disposition de ressources et de soutiens.
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Il convient de réfléchir aux conditions de l’ émergence de la participation, au cadre qui favorise ou qui inhibe la prise de parole citoyenne. Donc, accepter de fait le bien-fondé de la parole des usagères et des usagers.
Le droit à la parole s’exerce dans un contexte où elle se trouve reconnue et légitime. Ainsi, les professionnel·le·s doivent accepter l’émergence du savoir expérientiel et créer les conditions pour que chacun·e bénéficie de la même autorité pour participer aux débats.
La participation des usagères et des usagers au projet de soins est un principe reconnu et soutenu dans de nombreux contextes nationaux. Sa mise en œuvre en pratique est toutefois parfois critiquée par les professionnel·le·s, par les usagères et les usagers.
En effet, lors de la construction commune d’un projet de soins, les intérêts peuvent diverger entre une relation de qualité et des résultats, souvent définis comme la conformité face aux exigences des inspections et contrôles des autorités sanitaires.
Définition
Les droits humains sont un ensemble de droits inaliénables de chacun et chacune, sans distinction aucune, de race, de sexe, de nationalité, d’origine ethnique, de langue, de religion.
Chaque personne a le droit d’exercer ses droits humains sur un pied d’égalité et sans discrimination.
- Quels types de droits ?
- Constitution suisse
- Exemples d’application
- Enjeux
Les droits humains concernent de nombreux aspects de la vie. Par exemple, il y a un droit à la santé, un droit à l’éducation, un droit à la sécurité sociale et un droit à la liberté d’opinion, d’expression et d’information.
De très nombreux états, dont la Suisse, y ont adhéré par la signature du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDÉSC). Celui-ci enjoint à mettre en œuvre ces normes dans chaque législation nationale.
En Suisse, par ailleurs, l’article 8 de la Constitution ordonne que personne ne soit discriminé à cause de son mode de vie :
« Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques, ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique ».
L’article 10 (Cst) souligne :
« Tout être humain a droit à la vie. » Un droit à la vie signifie également un droit de prendre librement des décisions concernant sa santé et potentiellement sa mort ».
En matière d’IP, le droit à la santé est particulièrement important dans des settings particuliers.
Dans les prisons, c’est un accès aux produits de substitution afin d’éviter un sevrage.
Dans le domaine des seniors (EMS, soins à domicile), c’est une éthique par rapport au parcours de vie de la personne, tout en évitant qu’elle ne se mette en danger.
Plusieurs organisations nationales, internationales, ou défendant les droits des usagères et usagers, se réfèrent aux droits humains pour leur caractère universel.
En effet, il s’agit de faire face à des traitements inhumains à l’encontre de personnes concernées, comme la peine de mort pour consommation de substances, l’interdiction de posséder du matériel d’injection et le droit de la défense bafoué.
Définition
Présent dans de nombreuses philosophies et pratiques spirituelles, le concept de non-jugement est devenu un thème récurrent dans le champ professionnel. Il renvoie à un principe ou à une posture qui permet de guider nos pensées et nos actions, en respectant autrui dans son individualité.
Un tel principe met en tension le rapport de chacun·e avec son propre jugement et celui des autres. Autrement dit, l’incontournable faculté de juger apparaît sous un angle nouveau. Les expériences personnelles et collectives ainsi que le système de valeurs, notamment la morale, sont interrogés.
- Qu’est-ce que le jugement ?
- Valeurs et faits
- Domaine des addictions
- Exemples d’application
- Enjeux
Savoir ce que signifie la notion de jugement aide à comprendre les enjeux de la pratique du non-jugement pour les professionnel·le·s. En effet, juger est un acte nécessaire pour évaluer des phénomènes et agir. C’est la capacité double de tirer des conclusions à partir d’évidence et d’évaluer un événement ou des comportements. C’est toutefois aussi souvent associé à des croyances.
Le jugement a différentes portées qui influent sur la capacité d’agir des personnes concernées. Schématiquement, il peut soit empêcher un individu de changer (s’il le désire), soit renforcer l’estime de soi (pour plus d’autonomie). En somme, la faculté de juger peut contenir des visées variées, selon les acteurs et actrices, les contextes et les valeurs.
Depuis plusieurs siècles, les sciences humaines et sociales ont un débat sur la distinction entre un jugement de valeur (ce qui doit être) et un jugement de fait (ce qui est). Cette discussion est essentielle pour le « jugement professionnel ». Ainsi, le pouvoir de juger se base et se justifie sur un savoir autorisant, à parler à la place d’autrui, celui-ci est même parfois réduit au silence. Il est donc intéressant de se pencher sur les représentations sociales qui influencent les pratiques.
Dans le domaine des addictions, des principes et des valeurs sont partagés par plusieurs professionnel·le·s, comme « l’autodétermination », « la non-stigmatisation ».
Le « non-jugement » en fait également partie, notamment dans la réduction des risques (RdR). Son objectif est d’éviter une attitude moralisante inefficace, voire destructrice. Il s’agit de continuer de faire avec et pour l’autre, en considérant qu’il y a toujours quelque chose à faire.
- Instaurer un dialogue dans un espace non dogmatique et non moralisant (p. ex. intervision ou supervision).
- S’intéresser aux besoins de la personne concernée, en les valorisant.
- Éviter de définir une personne à partir de catégories déterminantes (p. ex. personnes vulnérables ou toxicomanes).
- Accompagner et soutenir plutôt que donner des conseils (p. ex. par une écoute active).
- Si nécessaire, exprimer son désaccord tout en manifestant son acceptation du point de vue des autres.
- Favoriser une prise de conscience de ses propres représentations, en développant une posture prudente sur ses propres convictions.
- Contextualiser la situation de la personne concernée, afin de prendre en compte sa propre expérience.
- S’entraîner à répondre sans juger systématiquement.
- Reconnaître l’existence de faits, sans les juger.
- Renoncer à se juger soi-même.
Définition
Le principe de subsidiarité veut que la responsabilité du règlement d’un problème revienne à l’entité – capable de le régler – la plus proche de ceux qui sont directement concernés par ce problème (par ex. en matière de traitement des déchets, la commune, puis le canton, puis la confédération).
Autrement dit, elle est une règle qui considère que tout ce que les individus, seuls ou en groupe, peuvent accomplir par eux-mêmes ne doit pas être transmis à un échelon supérieur.
- Hiérarchisation des actions
- Exemples d’application
Il est important de hiérarchiser les actions entre l’individu, la communauté et les spécialistes :
- Selon la Stratégie addiction, « l’individu est responsable de ses choix de vie et de son comportement ». C’est donc l’usagère ou l’usager de drogue qui, dans le cadre de sa « responsabilité individuelle », est le premier à devoir agir, pour autant qu’elle ou il le veuille et en soit capable.
- Souvent, ce sont les proches (famille, amis, camarade de classe, collègues, etc.) qui thématisent les premiers la question d’une consommation excessive ou d’un comportement inadéquat. Des ressources nécessaires à dispositif et un dialogue constructif peuvent les aider à soutenir les personnes concernées.
- Au-delà du cercle des proches, les professionnel·le·s en contact avec les personnes concernées peuvent être amené·e·s à se préoccuper de la consommation d’un individu. Cela peut être le cas, d’une part, lors de leurs activités courantes : par exemple, des médecins généralistes, des travailleurs et travailleuses de proximité ou d’un service de désendettement. En situation de crise, les acteurs et actrices peuvent être des urgentistes, des directions d’école, etc.
- C’est aussi aux spécialistes des addictions que revient la tâche d’exercer un soutien spécialisé, si cela est nécessaire.
- Le règlement, par exemple « d’un problème de consommation dans le cadre d’un foyer pour adolescent·e·s », doit être géré en priorité par les principaux intéressés (les jeunes, les éducatrices et les éducateurs). C’est uniquement dans un deuxième temps, en particulier dans des cas de deal au sein de l’institution, que le foyer pourrait faire appel à la police.
- Le soutien des spécialistes de l’évaluation et de l’intervention psycho-socio-sanitaire – dont les spécialistes en addictions (phase 3 et 4 de la pyramide) doit être pensé comme subsidiaire aux autres formes de soutien en amont (bas de la pyramide).