Définition
L’addiction est la perte de l’autonomie du sujet par rapport à un produit ou à un comportement. Elle se caractérise par l’association de deux dimensions :
- La souffrance de la personne
- Les changements de son rapport au monde (aliénation)
Elle est l’émergence d’un phénomène issu de multiples facteurs, à la fois médicaux, psychologiques et sociaux et demande ainsi une réponse de la collectivité.
- Qui est concerné·e ?
- Critères d’évaluation
- Exemples d’addictions
Il est primordial de comprendre que seule une minorité des usagères et des usagers de drogues souffrent d’addiction et que la majorité des personnes contrôle leur consommation. Ainsi, personne ne devient alcoolique en buvant un verre de vin, ni addicte aux drogues, en sniffant une fois de la cocaïne, ni même addicte au jeu de hasard et d’argent (JHA), en se rendant une fois au casino.
Les représentations et les critères sur l’addiction évoluent en fonction des recherches scientifiques de différents domaines. Ainsi, en mai 2013, le DSM-5 regroupe les troubles de l’usage de substance et des addictions sans substance. Cela implique la prise en compte des addictions aux substances psychoactives et les addictions comportementales, comme celle du jeu de hasard et d’argent.
Les addictions ont de graves conséquences sur la santé et au niveau social. Toutefois, il faut toujours garder à l’esprit :
- D’avoir une posture de non-jugement et de non-stigmatisation
-
- Qu’elles contiennent des dimensions complexes liées à la société dans son ensemble
Chaque année, en Suisse, des milliers de décès sont causés suite à l’abus de substances – tel que le cannabis, l’alcool, les médicaments psychoactifs, ou les drogues. Lorsqu’aucune substance n’est ingérée, on parle alors d’addiction comportementale, dont les jeux d’argent et les jeux vidéo peuvent faire partie.
Des exemples d’addiction
Alcool
L’alcool est certainement le psychotrope le plus ambivalent. Sous nos latitudes, il fait partie de nos us et coutumes, il est de toutes les fêtes et il faut un rien pour lever un verre. Pourtant, l’alcool a son revers de médaille. Un décès sur douze est lié à l’alcool en Suisse. Et si la baisse de consommation se confirme ces dernières années pour certaines tranches de la population, l’alcool reste un souci sociosanitaire majeur. Sur le plan législatif, une révision a échoué en 2016.
Cannabis
Le cannabis est la principale drogue illégale consommée en Suisse. Perçu à tort comme une drogue douce, il peut provoquer des problèmes bien réels, comme l’addiction, de travail et d’insertion sociale. Bien que la majorité des usagers en consomme sans difficulté majeure, il est nécessaire de prendre en compte les besoins des usagers problématiques et de leurs proches. Des solutions existent, comme le soutien spécialisé, l’Intervention Précoce et la prévention. Néanmoins, le cadre prohibitionniste actuel empêche de déployer tout le potentiel de ces approches, raison pour laquelle la prohibition doit être levée.
Médicaments psychoactifs
Bien que les médicaments psychoactifs nécessitent normalement une prescription d’un·e médecin afin qu’il soient utilisés à bon escient, leur mauvaise utilisation peut mettre en danger la vie de ses utilisatrices et utilisateurs. De plus, le risque d’addiction à des médicaments psychoactifs a été clairement établi, augmentant ainsi les risques pour la santé.
Addictions comportementales
Comme une addiction à un produit, il est possible de développer une addiction suite à un certain comportement. Les exemples les plus probants concernent les jeux vidéo et les jeux d’argent, où des comportements problématiques en lien à ces pratiques ont été largement observés et documentés. Les risques principaux sont similaires à ceux inhérents aux addictions à des substances : il s’agit de troubles psychiques, physiques, et financiers.
Les professionnel·le·s des addictions distinguent habituellement deux types de comportement. Ceux-ci permettent de décrire le niveau de vulnérabilité d’une personne. L’enjeu est de mettre en évidence ce qui se trouve entre une consommation qui ne pose aucun problème et la perte totale d’autonomie.
Il est important d’ajouter que plusieurs études ont montré que certains environnements encouragent des comportements à risque. Par exemple, des publicités sur le tabac, l’alcool et le jeu de hasard et d’argent. Aussi, tout comportement doit être mis dans un contexte général afin de mieux en saisir les facteurs multiples qui le favorisent.
De plus, les comportements d’individu à des impacts en général sur son entourage, notamment des coûts financiers et sociaux. Donc, un comportement individuel s’effectue toujours d’un environnement et n’a pas l’affaire uniquement de la personne concernée.
- A faible risque
- A risque
Le comportement à faible risque décrit les formes de consommation et les pratiques qui ne sont nocives ni pour la santé de la personne concernée ni pour son entourage et qui font souvent partie de la vie en société.
Les comportements à risque désignent une consommation de substances ou une pratique qui peuvent causer des problèmes ou des dommages physiques, psychiques ou sociaux à la personne concernée et à son entourage. On distingue trois schémas de comportement potentiellement nocifs pour l’individu, son entourage et la société :
- Le comportement excessif (par ex. biture express)
- Le comportement chronique (p. ex. consommation quotidienne d’alcool)
- Le comportement inadapté à la situation (par ex. conduite en état d’ébriété)
La littératie en santé ou la compétence en santé signifie la capacité de chaque individu à prendre quotidiennement des décisions qui ont une influence positive sur sa santé. Ces compétences doivent être favorisées par des conditions-cadres appropriées et par une promotion de leur renforcement.
- Exemple d’application
Le concept de littératie ou compétence sociale est une opportunité stratégique de réhabiliter la question des inégalités auprès des professionnel·le·s de la santé. En effet, bien souvent, depuis le terrain, ils et elles ont un sentiment d’impuissance face aux déterminants socio-économique de la santé. C’est donc une possibilité d’agir concrètement sur les obstacles à l’accès et l’utilisation optimale d’un système de soins.
Définition
La notion d’altérité se définit comme l’acceptation d’une autre personne dans sa différence. Elle impose ainsi non seulement la légitimation de ses droits mais aussi une reconnaissance mutuelle.
Dans le même temps, elle invite à s’intéresser sur la manière dont les personnes concernées, comme les usagères et usagers, perçoivent leurs propres expériences.
- En sciences sociales
- Pratiques professionnelles
- Exemples d’application
- Enjeux
En sciences sociales, elle contient une dimension relative et conjoncturelle, qui se traduit par un refus d’essentialisation. Par exemple, considérer une personne comme marginale n’est que le résultat d’un regard spécifique d’une personne ou d’un groupe. Ce regard est influencé par une relation sociale à propos d’une différence. En d’autres termes, il s’agit de rapport à des valeurs et des normes, voire à une morale.
Dans les pratiques professionnelles, l’intérêt pour « l’altérité » peut se traduire par de bonnes pratiques. Elle invite à réfléchir sur des représentations négatives et erronées concernant les personnes concernées. C’est pourquoi elle ouvre la voie à une attention particulière sur la façon dont l’autre existe dans les pensées, les discours, les comportements et les pratiques professionnelles.
- Faire un « écart » par rapport à son propre avis, afin d’éviter de définir une personne à partir d’une identité réductrice.
- Mettre en lumière les points de vue et étendre les alternatives, par le biais de la pluridisciplinarité.
- Favoriser des espaces institutionnels collectifs pour confronter des analyses de pratiques entre mêmes spécialistes.
- Prendre en compte le savoir profane comme connaissance légitime provenant d’expérience des personnes concernées.
- Penser simultanément deux termes d’apparence antagonistes (p. ex. normal/marginal). Ceux-ci doivent s’éclairer et non s’exclure.
- Une invitation à la complexité dans une approche dynamique et non déterministe des personnes concernées.
- Jeter le doute sur l’essentialisation, en considérant « l’altérité » comme une ouverture et une découverte avec des possibles.
- Penser « l’altérité » comme une opération de rupture permanente, en ne restant jamais à la même place.
Définition
Le « genre » relève de l’ensemble de caractéristiques provenant de construction sociale et attribuée à la masculinité et à la féminité.
En ce sens, il ne concerne pas la biologie. Il va au-delà d’une désignation d’appartenance à un groupe de sexe.
Par ailleurs, il correspond à une logique globale qui organise la société dans toutes ces parties par des pratiques et des idées de la vie sociale, notamment dans le milieu professionnel ou scolaire.
- Prévention et addictions
Dans le domaine de la prévention, il est essentiel de s’intéresser au genre. Un questionnaire adressé à des centres de prévention des addictions a révélé que leurs interventions ne le faisaient pas assez. En effet, généralement, les approches sont surtout biologiques, mais rarement culturelles et sociales.
Des études montrent que la non-prise en compte du genre influence le bien-être des minorités sexuelles en termes de santé. Dans ce contexte, les personnes LGBTQI+ présentent des comportements addictifs plus élevés que le reste de la population.
Prendre en compte le genre dans le domaine des addictions améliore la qualité des offres proposées, en s’adaptant à des spécificités. Avec l’IP, il permet aussi d’aborder ces situations complexes en fonction d’une posture générale ouverte aux besoins de la personne concernée.
Définition
L’hétérotopie désigne un espace clairement défini où coexiste un ensemble de normes et valeurs culturelles, séparé de l’ordre social normal.
À l’intérieur, il existe un ensemble de règles et de normes qui lui sont propres, distinctes du dehors. On peut penser par exemple à un stade de football, un casino ou une église.
Le concept d’hétérotopie doit s’associer à celui de réduction des risques, pour réduire le potentiel de dommage de l’expérience (comas, infections, abus en ligne, etc.)
- Joint et disjoint
- Hétérotopie et capacité d’agir
- Exemple d’applications
- Enjeux
Bien que séparés clairement du monde qui entoure cet espace, les liens et les connexions sont constitutifs de l’hétérotopie. Cet espace doit son existence à cette volonté de projection dans un imaginaire « autre », avec un univers normatif « alternatif ». L’expérience acquise dans le monde hétérotopique nourrit la vie réelle et bien que les deux soient totalement disjoints. Les écrans ou la consommation de substances peuvent être compris comme une hétérotopie.
Il permet également de comprendre l’importance du concept de capacité d’agir (empowerment=, avec lequel il est lié. L’impossibilité pour l’extérieur de réguler les comportements, normes et valeurs à l’intérieur de l’espace l’hétérotopique oblige les intervenants à agir sur :
- Les compétences et les ressources des personnes (être prêt à affronter l’expérience hétérotopique),
- L’accompagnement réflexif et critique, pour intégrer l’expérience, autant dans ces dimensions positives que négatives (apprendre de l’expérience)
- Guide pour les professionnel·le·s sur l’usage des écrans : ce nouveau concept donne des pistes d’intervention, en prenant acte de l’impossibilité d’atteindre l’espace hétérotopique (ici les réseaux, jeux, etc.) pour les proches. L’accompagnement se centre alors sur l’avant (renforcement des normes, valeurs et règles) et l’après (médiation du langage pour intégrer les conséquences de l’expérience).
- Le concept d’hétérotopie montre l’importance de prendre l’entier de l’expérience, et pas le seul moment.
- L’expérience hétérotopique comporte des risques. Bien qu’inaccessible dans sa dimension expérientielle, elle peut (et doit !) être régulée pour éviter les risques trop importants. Cette régulation « par l’extérieur » peut s’opérer sur les conditions-cadres, et non sur l’expérience elle-même.
- Les proches et les professionnel·le·s sont enclin·e·s naturellement à intervenir directement sur l’expérience hétérotopique (punition, interdiction, etc.), pur empêcher qu’elle se déroule. On pense notamment au parent qui coupe l’accès internet à un·e jeune en train de jouer en ligne, ce qui peut déboucher sur des crises qui ne permettent pas de régler les problèmes.
- L’hétérotopie interdit l’action directe et promeut une intervention indirecte, soit sur l’avant, soit sur l’après. L’interventionnisme ou le volontarisme de certaines politiques, comme la prohibition des drogues, s’en trouve par la même occasion disqualifiée.
Définition
« L’intersectionnalité» concerne la superposition de dimensions sociales.
Cette superposition engendre souvent des inégalités sociales où une personne qui se situe à l’intersection de certaines dimensions sociales peut être particulièrement vulnérable.
Ainsi, l’apport du concept d’intersectionnalité est une meilleure analyse des situations de vulnérabilité.
- Dimensions sociales
- Relations de pouvoir
- Enjeu de stigmatisation
- Analyse dynamique requise
- Exemple d’application
Les dimensions sociales sont principalement :
- la classe
- le niveau d’éducation formelle
- les capacités physiques et intellectuelles (comme une situation de handicap)
- l’ethnicité (comme la couleur de peau)
- L’origine ou l’appartenance géographique, culturelle ou religieuse
- l’identité ou l’expression de genre
- l’orientation affective ou sexuelle
- la sexualité
L’ « intersectionnalité » permet de mieux comprendre les relations de pouvoir qui produisent des inégalités et des discriminations dans une société. Celles-ci se renforcent à travers un système de représentations normatives d’une société. Dans les politiques sociales, cela se traduit par l’« invisibilisation » et la non-prise en compte de personnes concernées à partir de plusieurs facteurs, selon leurs caractéristiques propres.
Comme il existe des causes multiples de stigmatisation qui peuvent interagir entre elles, le concept d’intersectionnalité est utile pour comprendre certaines situations sociales. En effet, il ne s’agit pas d’un effet de cumulation : bien qu’une personne puisse être stigmatisée en raison d’un ou plusieurs facteurs individuellement, elle peut également l’être parce qu’elle se retrouve à leurs intersections.
Pour chaque situation concrète, individuelle ou collective, il faut appréhender individuellement et dynamiquement les facteurs, les uns par rapport aux autres. Cela permet de comprendre leur incidence et des situations spécifiques, liées à leur coexistence.
De manière générale, une approche intersectionnelle implique une réflexivité constante et la recherche d’une attention équitable et effective aux personnes, par la prise en compte du spécifique dans l’universel.
- Développer et renforcer le capital social des personnes concernées et de leur entourage en prenant en compte les spécificités intersectionnelles.
- Affiner l’intervention au niveau de la logique communautaire, en prenant en compte les sous-groupes intersectionnels.
- Favoriser une approche intersectionnelle plutôt que de se concentrer sur un seul facteur (ex. le genre) défini de manière normative et donc invisibilisant les situations spécifiques intersectionnelles.
- Prendre en compte l’effet de l’entremêlement de différents facteurs de vulnérabilité et de ressources parfois spécifiques.
- Apporter une réponse adéquate en lien avec les sentiments d’appartenance multiples et/ou intersectionnels de la personne concernée.
- Diffuser des informations générales et spécifiques accessibles à différents membres d’un même groupe.