Stigmatisation
La stigmatisation est la manifestation négative d’un système de normes dans une société donnée sur un individu ou un groupe. Sociologiquement, le « stigmate » (étymologiquement une trace sur la peau) n’est pas un attribut en soi car il prend forme dans le regard d’autrui[1]. C’est donc à travers le relationnel que la stigmatisation doit être prise en compte. En ce sens, c’est un problème qui concerne la société dans son ensemble.
Certains comportements peuvent être stigmatisés, comme ceux des personnes avec des troubles mentaux et/ou qui ont une conduite addictive. Ces personnes portent ainsi un « stigma » qui les définit comme des individus déviants par rapport aux normes et aux lois d’une société[2]. L’une des conséquences est qu’elles se retrouvent à l’écart d’une normalité prédéfinie, généralement soutenue par une dimension moraliste. Ce phénomène se traduit par le renforcement de la méfiance, de l’exclusion, de l’indifférence et de l’isolement à leur égard[3]. Elle concerne tant l’opinion de leur entourage familial et social que celui de leur médecin[4], mais aussi (et surtout) la personne elle-même, ce qui inhibe la « capacité d’agir » et vient renforcer un sentiment d’échec, d’infériorité et d’inutilité.
Toutes logiques de classement (diagnostic, ciblage) comportent des risques de stigmatisation. En effet, définir principalement un individu uniquement à partir d’une de ses caractéristiques est problématique. C’est pourquoi la qualification d’une conduite comprend toujours une part délicate pour le professionnel. Elle peut en effet charger la personne concernée d’un obstacle supplémentaire[5]. La notion de repérage met l’accent sur ce point, pour tenter de dépasser la logique discriminatoire propre à la désignation d’un « public-cible ». Elle doit néanmoins prendre acte que toute personne membre d’un groupe social ne peut jamais complétement s’émanciper des dynamiques discriminatoires.
Exemples d’application en matière d’IP
- Réfléchir en amont sur la signification pour la personne concernée de l’action des professionnels.
- Construire un sens de la démarche avec les personnes concernées par le biais de leur participation à plusieurs niveaux.
- Offrir un espace favorable aux personnes concernées par une démarche sociale et non individuelle.
- Favoriser la capacité d’agir des personnes concernées et déconstruire des idées négatives pour réduire le sentiment de stigmatisation.
- Élaborer un contexte favorable d’échange afin que les personnes concernées puissent s’exprimer facilement.
Enjeux
- Lutter contre les risques de stigmatisation implique une posture de non-jugement et une constante réflexion sur ses propres pratiques. Savoir décentrer ses référentiels, ou du moins, avoir de la prudence quant aux conclusions hâtives. Cet effort doit être constatant et permanent, car il ne peut être complétement dépassé par l’individu seul.
- La stigmatisation est une dynamique sociale, et c’est donc à ce niveau qu’elle doit être adressée. Les questions de genre, d’identité ou de racisme doivent toutes être traitées aussi au niveau global, afin de favoriser des conditions cadres favorables à tous.
- La stigmatisation empêche l’implantation de stratégies de prévention par ses effets négatifs sur l’accompagnement, comme l’autodépréciation de la personne concernée.
- Les personnes stigmatisées développent toujours des stratégies pour répondre à des normes préétablies, ce qui peut complexifier l’action des professionnels.
Sources:
[1] PAUGAM S., Les 100 mots de la sociologie, « Que sais-je ? », Paris, Puf, 2010, p.100
[2] BICHSEL N., CONUS P., « La stigmatisation : un problème fréquent aux conséquences multiples », in Revue Médical Suisse, vol. 2017, site : https://www.revmed.ch/RMS/2017/RMS-N-551/La-stigmatisation-un-probleme-frequent-aux-consequences-multiples, consulté le 7 avril 2020 ; DELILE J.-M., « Repérage et dépistage : quelques rappels », in Le défi de l’intervention précoce, Cahiers thématiques de la Fédération addiction, avril 2015, p. 43.
[3] ARTISON V., « L’addiction à l’épreuve de sa diction : entre le pré, le loup et la rue », in Le défi de l’intervention précoce, Cahiers thématiques de la Fédération addiction, avril 2015, p. 33, site : https://www.federationaddiction.fr/actal-14-avril-2015-le-defi-de-lintervention-precoce/.
[4] DELILE J.-M., « Repérage et dépistage : quelques rappels », in Le défi de l’intervention précoce, Cahiers thématiques de la Fédération addiction, avril 2015, p. 41.
[5] SAVARY J.-F., « L’air du temps et l’intervention précoce », in Le défi de l’intervention précoce, in Cahiers thématiques de la Fédération addiction, avril 2015, p. 2, site : https://www.federationaddiction.fr/actal-14-avril-2015-le-defi-de-lintervention-precoce/.